ETHNOLOGIE - Ethnosciences

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Dans l’ouvrage publié en 1983, Le Regard éloigné , Claude Lévi-Strauss remarque que, en matière de connaissance des faits de culture et de société, «une étroite collaboration entre les sciences humaines et les sciences naturelles permettra seule de récuser un dualisme métaphysique dépassé». Force est en effet de constater que ce dualisme métaphysique, que les vieilles oppositions entre esprit et matière, homme et nature, culture et nature imprègnent encore les structures et la pensée de la société académique française où elles se traduisent trop souvent par une stricte ségrégation entre sciences naturelles et sciences humaines; les unes et les autres de ces sciences s’efforcent ainsi d’ignorer l’objet des recherches des unes ou des autres et surtout les interactions entre ces objets. Cela ne facilite guère l’étude nécessairement inter-, pluri-, ou transdisciplinaire des relations entre les sociétés et leurs environnements naturels, des savoirs et savoir-faire «populaires» qu’impliquent ces relations et la diversité des modes humains d’insertion dans les écosystèmes de la biosphère terrestre, le tout constituant le champ d’investigation que désigne ce terme «ethnoscience».

À l’origine, l’histoire naturelle

Si la vieille «histoire naturelle» n’avait pas connu le défaveur scientifique dont elle a malheureusement souffert, ayant été la victime de la biologie qu’elle avait engendrée, ce problème de collaboration entre sciences et la nature et de la vie et sciences de l’homme et de la société dans l’étude des rapports entre sociétés, civilisations et nature ne se poserait pas avec une telle acuité.

L’histoire naturelle de jadis et naguère ne dissociait jamais les hommes d’une nature qu’elle s’efforçait de mettre en ordre pour la mieux comprendre afin de s’en mieux servir. Dans cette démarche, elle ne dédaignait pas de faire appel aux savoirs naturalistes populaires. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer, pour le début de notre ère, à l’Histoire naturelle , de Pline l’Ancien. L’histoire naturelle conserva longtemps cette orientation comme le montre bien, au XVIIIe siècle, l’œuvre de Buffon.

Mais la spécialisation croissante des sciences et de leurs disciplines allait conduire à l’éclatement des savoirs scientifiques; les sciences naturelles rejetèrent de leurs préoccupations tout ce qui concernait l’homme social et les sciences humaines naissantes se réfugièrent dans le giron de la philosophie. Ainsi fut consommé chez nous le divorce entre ces sciences au grand dam de la connaissance des relations réciproques entre sociétés, civilisations, nature et ressources naturelles, domaine où toutefois exercèrent avec des fortunes diverses des géographes et biogéographes du siècle dernier tels que Friedrich Ratzel en Allemagne et, en France, Élisée Reclus.

De l’écologie culturelle aux ethnosciences

Tout ne se réglait pas cependant dans les cercles académiques de la vieille Europe: la conquête blanche des espaces américains, particulièrement de l’espace nord-américain, allait susciter outre-Atlantique des démarches scientifiques particulièrement importantes dans l’histoire des relations entre sciences humaines et sciences naturelles.

Confrontés à des environnements nouveaux, à des ressources nouvelles et à des populations indigènes bien insérées dans ces environnements et sachant se servir de leurs ressources, les Blancs furent nécessairement conduits à étudier les uns et les autres. Cela, d’ailleurs, pouvait aider à disposer plus aisément de ces environnements et de ces ressources, en éliminant au besoin les concurrents indigènes dont il valait mieux, pour ce faire, connaître un peu les mœurs.

C’est dans ce contexte pionnier et colonial que devait apparaître, au siècle dernier, la grande figure de Lewis Henry Morgan, l’un des pères fondateurs de l’anthropologie sociale, dont l’œuvre ne néglige pas, loin de là même, les relations entre sociétés, civilisations, environnements et ressources.

Point de surprise donc à constater que c’est dans ces mêmes États-Unis d’Amérique qu’apparaît aussi, à la fin du siècle dernier, l’ethnobotanique inventée en 1895 par Harshberger, agronome et botaniste.

La démarche de Harshberger, initialement fondée sur l’étude des restes végétaux trouvés dans des sites archéologiques, consistait essentiellement à tenter de faire apparaître la trame végétale de l’histoire amérindienne, avec d’ailleurs le souci avoué de rechercher à cette occasion des ressources végétales nouvelles pour le commerce et l’industrie de la colonisation blanche.

Longtemps, cette ethnobotanique américaine ne se sentit concernée que par la relation d’hommes à végétaux dans le cas des sociétés archaïques ou primitives. Longtemps elle demeura dans l’orbite de l’economic botany . Elle recueillait ses données par une observation des façons dont ces sociétés «primitives», notamment les Amérindiens du Nord, se servaient des végétaux, observation faite de l’extérieur de ces sociétés.

Mais cette ethnobotanique allait susciter un vif intérêt parmi les agents du Bureau of American Ethnology. Ceux-là ne se contentèrent pas de relever les usages amérindiens des végétaux. Ils étendirent leurs investigations aux relations entre Amérindiens et animaux. Ainsi, en 1914, Henderson et Harrington utilisèrent pour la première fois, à propos des Indiens Tewa, le terme d’«ethnozoologie», et cela dans un des bulletins du Bureau of American Ethnology. Les auteurs ne s’y bornaient pas à utiliser un néologisme; ils insistaient en effet sur la nécessité de ne pas se limiter à inventorier les animaux utilisés, les modes indigènes de leurs utilisations et les noms vernaculaires de ces animaux; ils soulignaient l’importance qu’il y avait à recueillir et à analyser les savoirs naturalistes indigènes. C’était là un tournant majeur: la prise en compte scientifique de ces savoirs naturalistes locaux que, chez nous et au siècle dernier, le folkloriste Eugène Rolland avait si bien désignés sous le terme d’«histoire naturelle populaire».

Avec la démarche de Henderson et Harrington s’amorça l’étude de ces relations «de l’intérieur», c’est-à-dire au travers des savoirs et discours locaux, de sociétés à environnements naturels.

Plus tard, en 1944, Castetter, toujours aux États-Unis, proposa de réunir etnobotanique et ethnozoologie en une «ethnobiologie», cela afin de rendre compte d’une façon plus globale, «ethnobiocénotique» pourrait-on dire, des relations entre les sociétés et leurs environnements vivants. Très tôt, aux États-Unis encore, l’écologie suscita d’autres approches de synthèse de ces relations. Ainsi, en 1926, Wissler, dans une étude intitulée The Relation of Nature to Man in Aboriginal America , se servit des cartes alors déjà dressées par la Ecological Society of America pour tenter d’établir des corrélations entre les conditions de l’environnement et les cultures matérielles amérindiennes. Il est vrai que l’Anthropogéographie de l’Allemand Ratzel avait fait école aux États-Unis.

Ainsi s’ouvrait la voie aux écoles américaines de géographie culturelle et d’écologie culturelle – écologie culturelle dont J. Steward devait véritablement poser les fondations.

La tradition naturaliste en France

Qu’en était-il en France à l’époque de la Première Guerre mondiale?

On n’y parlait pas d’ethnobotanique ni d’ethnozoologie et l’écologie n’avait guère cours. Pourtant, une minorité de naturalistes et d’ethnologues s’intéressaient aux relations entre sociétés, civilisations et nature.

Au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, le botaniste colonial Auguste Chevalier, auteur, parmi de nombreuses œuvres, d’une magistrale contribution biogéographique au Traité de géographie physique d’Emmanuel de Martonne, se risquait même à écrire: «Nos études de botanique appliquée à l’agronomie coloniale seraient pour ainsi dire absurdes si elles faisaient abstraction de l’homme des tropiques.»

Et si l’on consulte le manuel d’ethnographie de Marcel Mauss, on voit aussi combien ce dernier était conscient de l’importance d’une approche ethnographique et ethnologique des relations entre sociétés, environnements naturels et ressources.

Quelques-uns des premiers ethnologues français le suivirent dans cette voie: ainsi Maurice Leenhardt collabora avec André Guillaumin, botaniste au Muséum national d’histoire naturelle, dans de premières études sur les usages kanaks des végétaux en Nouvelle-Calédonie.

Dans les années 1930, Marcel Mauss et Auguste Chevalier encouragèrent l’agronome et botaniste André-Georges Haudricourt à se rendre en Union soviétique pour y travailler avec Nikola 稜 Ivanovitch Vavilov qui y accomplissait de remarquables recherches sur la biogéographie et l’origine des plantes cultivées. Cela nous valut, en 1943, la publication de l’ouvrage de Haudricourt et Hédin, L’Homme et les plantes cultivées , où les auteurs proposèrent le développement en France d’une recherche ethnobotanique sous ce nom, recherche interdisciplinaire et intersciences. D’agronome et de botaniste qu’il était au départ, Haudricourt devint ethnologue, ethnographe, ethnotechnologue et, surtout, linguiste, réalisant ainsi dans sa personne l’interdisciplinarité qu’il avait prônée en matière d’ethnobotanique. Haudricourt montra surtout l’importance de la linguistique dans le champ de recherche qu’il avait ouvert en France, linguistique dont les méthodes et concepts paraissent bien faits, d’ailleurs, pour susciter l’intérêt de naturalistes.

Toujours pendant la Seconde guerre mondiale, un ethnologue français exilé aux États-Unis s’intéressa à l’ethnobotanique et à l’ethnozoologie: c’était Claude Lévi-Strauss, qui devait d’ailleurs être l’auteur d’un chapitre sur les usages amérindiens des végétaux dans le Handbook of South American Indian . Pourtant ce n’est pas Haudricourt qui s’est pour la première fois servi en français du terme d’ethnobotanique; c’est le Haïtien Jacques Roumain, l’inoubliable auteur de Gouverneurs de la rosée . Formé à l’ethnologie et à l’archéologie aux États-Unis et en France où il fut l’élève de Rivet, Roumain fut nommé chef du bureau d’ethnologie de la république d’Haïti. Le premier bulletin de ce bureau d’ethnologie, publié en 1942 et rédigé par Roumain, était intitulé: «Contribution à l’étude de l’ethnobotanique pré-colombienne des Grandes Antilles».

Les savoirs populaires et la «new ethnography»

En France, où, au siècle dernier, le folkloriste Eugène Rolland avait ouvert la voie au recueil des savoirs botanistes et zoologiques «populaires», il devait revenir à des linguistes et dialectologues d’approfondir l’analyse de ces savoirs. Tel fut le cas de Jean Seguy, qui devait devenir professeur de linguistique romane à l’université de Toulouse; tel fut aussi le cas d’un autre romaniste qui professait à Montpellier, Louis Michel. Mais ces deux savants qui, comme André-Georges Haudricourt, firent œuvre de pionniers de la recherche française dans le champ de l’ethnoscience étaient, comme Haudricourt, non seulement des linguistes mais encore de bons naturalistes.

Toutefois, c’est ailleurs et lors de la Seconde Guerre mondiale que devaient se renforcer les études sur les relations entre sociétés et environnements naturels. L’ethnologie et l’ethnographie, cela sert aussi à faire la guerre! Quand, au cours de la Seconde Guerre mondiale, les armées des États-Unis se trouvèrent confrontées aux exigences d’opérations militaires sur divers terrains exotiques, elles allèrent aussitôt puiser des informations à toutes les sources possibles de données sur ces pays, leur nature et leurs populations. Parmi ces sources, il y avait les travaux des ethnographes et des ethnologues qu’on avait déjà commencé à exploiter systématiquement aux États-Unis pour de premières tentatives de création de sortes de banques de données pouvant servir à des études comparatives. L’armée américaine fournit de puissants moyens pour ordonner ces données et les compléter. Ainsi prit naissance ce qui devait devenir le Human Relations Areas File de New Haven aux destinées duquel présida longtemps l’ethnologue Pete Murdock.

Au lendemain de cette Seconde Guerre mondiale, Murdock rédigea un guide permettant de se retrouver dans ces données multiples où les relations de sociétés à environnements naturels et à ressources tenaient une large place. Ce guide parut en 1950 sous le titre Outline of Cultural Materials . Pour la première fois y figurait une rubrique intitulée «ethnoscience».

Pour Murdock, ce terme d’ethnoscience recouvrait les systèmes d’idées, de notions, de représentations et d’attitudes que les diverses sociétés humaines ont développés au cours de leur histoire et qu’elles entretiennent et développent à l’égard de leurs environnements. Ethnobotanique et ethnozoologie étaient à ses yeux des savoirs locaux du végétal et de l’animal; à ce titre, elles constituaient donc des catégories de cette ethnoscience (ou encore folk science ); en fait, cette ethnoscience ou folk science correspondait largement à ce que, au siècle dernier, Eugène Rolland avait nommé «histoire naturelle populaire».

L’ethnoscience était donc un objet d’étude, d’analyse, de recherche. Cet objet devint celui des travaux de ce que l’on a appelé la new ethnography , école de l’anthropologie américaine où s’illustrèrent Hal Conklin, Bob Fox, Bill Sturtevant, Charles Frake, Brent Berlin et bien d’autres.

Fondamentalement concernée par les façons dont les sociétés ordonnent les éléments de leurs environnements au sens large dans des systèmes classificatoires et nomenclaturaux, la new ethnography américaine, qui ne devait pas conserver très longtemps l’enthousiasme unitaire de ses brillants débuts, allait contribuer au développement de la cognitive anthropology , l’anthropologie du connaître et du savoir.

Cette new ethnography entreprit sa démarche en se fondant sur des concepts empruntés à la linguistique. Cela devait assez vite provoquer quelques polémiques, les dits concepts étant contestés par des linguistes alors même que la new ethnography les prenait pour bases de ses recherches. On n’entrera pas dans ce débat et l’on se contentera de conseiller à ceux que le sujet intéresse de consulter à ce propos l’article de Roger Keesing, «Paradigms Lost: the New Ethnography and the New Linguistics», publié en 1972 par le Southwestern Journal of Anthropology .

Il se peut aussi que la new ethnography , un peu grisée par ses premiers succès, ait péché par excès d’ambition, en se croyant capable d’atteindre, au travers de l’ethnoscience, le cœur de toutes les structures socio-culturelles.

Les convergences nécessaires

Les mots ne se laissent pas aisément manipuler: dans «ethnoscience» il y a «science»; déjà, en 1963, Albert Spaulding avait contesté le bien-fondé de ce terme d’ethnoscience en raison de ses implications et de ses ambiguïtés sémantiques.

Le problème majeur posé par ce néologisme est qu’on en vint tout naturellement à faire de ce qui était à l’origine un objet d’étude une discipline scientifique voire des disciplines scientifiques, comme en témoigne le terme d’ethnosciences, au pluriel, si souvent utilisé chez nous, où il est généralement compris comme désignant des banlieues ethnologisées de disciplines naturalistes aux étiquettes simplement affectées du préfixe «ethno» ethnobotanique, ethnozoologie, ethnobiologie, ethnoécologie, etc.

Pourtant, dans La Pensée sauvage , publiée en 1962, Claude Lévi-Strauss avait bien distingué ce qu’était cette ethnoscience par rapport à la new ethnography américaine. Cela n’empêcha pas la confusion qui a quelque peu contribué à accroître les incompréhensions entre sciences naturelles et sciences humaines.

D’où bien des querelles – et par là même bien des articles et bien des ouvrages – sur le point de savoir, par exemple, si l’ethnobotanique n’était qu’une application de la botanique, si elle relevait strictement des sciences humaines, si elle était une discipline à part entière, indépendante, etc.

Il eût été infiniment préférable que l’on s’en tînt chez nous au vieux terme d’Eugène Rolland, «histoire naturelle populaire», au lieu de ce foisonnement d’ethno-disciplines naturalistes! Certes, l’histoire naturelle n’est plus à la mode, du moins en France, où l’on reproche aussi à «populaire» une connotation péjorative. Qu’importe! «histoire naturelle populaire» convenait fort bien et aurait évité nombre de discussions inutiles. On reconnaît en effet qu’il existe de remarquables travaux d’ethnobotanique et d’ethnozoologie réalisés par des ethnologues qui, à l’origine, n’étaient pas des naturalistes confirmés. Et l’on constate à l’inverse qu’il existe aussi des naturalistes d’origine qui ont su acquérir les connaissances ethnologiques et linguistiques nécessaires pour pénétrer au cœur de savoirs naturalistes populaires.

La seule règle pour une bonne recherche dans un tel champ interscience paraît être d’avoir un esprit assez subversif pour mettre en cause et transgresser les interdits et préjugés disciplinaires, seul moyen de se dégager des attitudes scientistes et d’accepter, tel qu’il est, le savoir des autres.

Pour illustrer ce qui précède, on citera deux propos d’ethnologues relatifs à l’ethnoscience. Le premier est emprunté à Harold Conklin, dont la thèse sur les relations des Hanunòo philippins à leur environnement végétal demeure un modèle; Conklin, écrit que, en matière de recherche en ethnobotanique, on n’a guère à se préoccuper d’observations relevant de la botanique classique. Ce qui compte, c’est le recueil et l’analyse des savoirs locaux du végétal. Les considérations de botanique scientifique n’ont en la matière, ajoute Conklin, qu’une importance secondaire, leur seul rôle étant de faciliter la comparaison entre des systèmes sémantiques différents. Nous extrairons le second propos du Regard éloigné , un ouvrage publié par Claude Lévi-Strauss en 1983: «Et comment se fait-il que mes livres portent tant d’attention aux plus infimes détails ethnographiques? Pourquoi m’y efforçai-je d’identifier avec précision les plantes et les animaux connus de chaque société, leurs emplois techniques particuliers et, s’agissant d’espèces comestibles, les manières différentes dont on les prépare: bouillies, cuites à l’étouffée ou à la vapeur, rôties, grillées, frites ou bien séchées ou fumées pour assurer leur conservation? Voilà des années que je m’entoure de globes et de cartes célestes permettant de repérer la position des étoiles et des constellations sous différentes latitudes et à diverses saisons, de traités de géologie, de géographie et de météorologie, d’ouvrages de botanique, de livres sur les mammifères et les oiseaux. La raison est fort simple: on ne saurait entreprendre une recherche quelconque sans avoir, au préalable, rassemblé et vérifié toutes ces données [...]. L’anthropologie est avant tout une science empirique.»

Avec peut-être un peu d’irrévérence, on remarquera que le propos de Conklin d’abord cité est celui d’un remarquable ethnologue de terrain, poussant jusqu’à la perfection le recueil des données ethnographiques, comme le prouve son atlas ethnographique Ifugao, où un soin particulier est apporté à la récolte et à l’identification de spécimens naturalistes. Quant au propos de Claude Lévi-Strauss, c’est celui d’un éminent ethnologue de cabinet dont l’environnement livresque foisonne d’ouvrages d’histoire naturelle. Contradiction entre ces deux propos? Moins qu’il y pourrait paraître! Pénétrer au cœur d’un savoir naturaliste populaire, d’une histoire naturelle populaire exige que l’on oublie un temps son propre savoir scientifique. Mais, dès qu’il s’agit d’interpréter un savoir naturaliste populaire et surtout de le comparer à d’autres, c’est alors qu’il faut avoir recours à la précision scientifique, à l’identification scientifique des objets et phénomènes en cause.

On ne peut faire aujourd’hui de bonnes recherches en sciences humaines si l’on n’a pas quelque teinture de sciences naturelles et, à l’inverse, on ne peut faire de bonne recherches naturalistes si l’on n’a pas quelque savoir sur les hommes, leur préhistoire et leur histoire, leurs sociétés et leurs civilisations. Dans les deux cas il faut un regard à la fois naturaliste et humaniste: condition essentielle pour pouvoir explorer avec profit cet ensemble de savoirs et de savoir-faire qui constitue le champ de recherche particulièrement fécond de ce que l’on nomme aujourd’hui ethnoscience.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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